DEVIS étude de votre projet
03 20 82 63 99
Certes, les gaz à effet de serre ne s’échappent pas des cheminées des centrales. Mais le nucléaire relâche néanmoins du CO2. Lors de l’extraction de l’uranium ou du démantèlement d’une centrale par exemple.

 

Une centrale nucléaire ne génère pas directement d’émissions de CO2. Ainsi, certains secteurs plaident en faveur du recours à ce type d’énergie pour lutter contre le changement climatique. Cependant, cette technologie n’est pas non plus exempte d’émissions de gaz à effet de serre, comme on l’entend souvent dire : elle émet évidemment du CO2, de manière indirecte. Comme nous l’avons déjà vu sur Eco Lab (le blog de l’auteur de cet article, Ndlr) avec un aérogénérateur ou un panneau photovoltaïque, pour mesurer de manière rigoureuse l’impact de n’importe quelle installation, il faut considérer le cycle de vie dans son ensemble : extraction des matières premières, construction de la centrale, gestion des déchets produits… C’est là que le CO2 est émis. Bien entendu, l’impact environnemental d’une centrale ne doit pas être réduit aux seules émissions de gaz à effet de serre (mesurées en tonnes d’équivalent carbone). Ses répercussions sur l’environnement sont bien plus larges. Mais la question du CO2 est déjà tellement complexe qu’elle requiert une analyse à part.

 

Combien de CO2 émet une centrale nucléaire tout au long de son cycle de vie ?

Paradoxalement, si cette question demeure si complexe, c’est à cause du grand nombre d’études qui ont cherché à lui apporter une réponse. En effet, leurs résultats sont généralement très divers. D’un côté, l’industrie nucléaire défend l’idée que cette technologie a une empreinte carbone aussi faible que des éoliennes (autour de 5-15 grammes de CO2 par kWh produit). Mais quelques travaux trouvent des valeurs beaucoup plus élevées, bien supérieures à l’empreinte de n’importe quelle énergie renouvelable (y compris l’énergie photovoltaïque).

 

Mais à qui se fier ?

Un chercheur de l’université nationale de Singapour, Benjamin Sovacool, s’est attaché à identifier les études les plus à jour et les plus transparentes. Publiée en 2008 dans la revue « Energy Policy », son étude a compilé 103 analyses de cycle de vie portant sur les émissions des centrales nucléaires. Pour faire son étude, le chercheur a écarté les centrales les plus anciennes (antérieures à 1997), celles peu accessibles et celles qui suivaient une méthodologie impossible à comparer avec le reste du panel, ou qui généraient des doutes. Au final, il a conservé 19 études exploitables [1], avec une fourchette de résultats assez large : entre 1,4 et 288 grammes de CO2/kWh. A partir de tous ces travaux, le chercheur de Singapour a estimé l’empreinte carbone moyenne d’une centrale nucléaire à 66g de CO2/kWh, soit une empreinte supérieure à celle des énergies renouvelables, mais bien inférieure à celle du gaz ou du charbon. « Ces 66 g de CO2/kWh sont une moyenne, mais de nombreuses centrales, notamment en Asie, obtiennent de plus mauvais résultats, proches des émissions d’une centrale électrique au gaz », assure le chercheur. Il impute cela à la faible qualité du minerai d’uranium, utilisé comme combustible dans ces centrales. Pour connaître réellement les émissions d’un réacteur nucléaire, il faudrait mener une étude au cas par cas, pays par pays. Contrairement à ce qu’assure le Forum de l’industrie nucléaire, des études de ce type n’ont jamais été réalisées en Espagne (le pays de l’auteur de cet article, Ndlr). Cela impliquerait, pour une centrale espagnole, d’analyser les émissions de gaz à effet de serre générées à toutes les étapes : depuis l’extraction de l’uranium et l’élaboration du combustible nucléaire, jusqu’à l’enfouissement des déchets radioactifs, en passant par la construction de la centrale, son fonctionnement pendant presque 40 années et son démantèlement en fin de vie.

 

Le pire c’est la centrale ?

On estime que pour construire un réacteur nucléaire type à eau pressurisée (PWR) et de 1 000 MW de puissance, il faut quelque 170 000 tonnes de béton, quelque 32 000 tonnes d’acier, 1 363 tonnes de cuivre et 205 464 tonnes d’autres matériaux dont quelques-uns requièrent beaucoup d’énergie. Il s’agit d’installations très robustes et complexes. Cependant, d’après les valeurs moyennes des 19 études sélectionnées par Sovacool, cette phase de construction serait la moins émettrice en CO2 de toute la vie du réacteur. Les étapes les plus émettrices seraient la fabrication du combustible nucléaire, puis le démantèlement de la centrale suivi de la gestion des déchets radioactifs calculée pour une période de 100 ans jusqu’à leur enfouissement, qui est supposé durer beaucoup plus longtemps. Dans le cas de l’Espagne, comme l’indique le Forum nucléaire, l’uranium utilisé par les centrales provient exclusivement de mines étrangères, principalement de Russie (45%), d’Australie (22%), du Niger (20%), du Kazakhstan (6%), du Canada (5%)… Le processus, qui consiste à transformer ce minerai en barres qui sont ensuite introduites dans le réacteur nucléaire, est beaucoup plus laborieux qu’une simple extraction. L’isotope utilisé pour la fission de l’uranium dans les réacteurs nucléaires est le U-235, qui se trouve en très faibles concentrations dans la nature. C’est pour cela que le minerai d’uranium doit être enrichi.

 

Le périple de l’uranium

Notre voyage se poursuit donc dans le sud-est de la France, jusqu’à la centrale d’Eurodif, où après avoir transformé le concentré d’uranium U308 en gaz UF6, on procède à son enrichissement afin d’augmenter la proportion d’isotope 235. Comme l’explique l’entreprise espagnole Enusa Industrias Avanzadas, il faut ensuite faire repasser l’uranium de l’état gazeux à solide ce qui est en général réalisé par la centrale britannique Springfield Fuels Limited (SFL). De-là, on l’envoie à l’usine Enusa à Juzbado (province de Salamanque), où il est transformé en petites pastilles. Celles-ci sont introduites dans les barres qui composent les éléments du combustible nucléaire qui servira à approvisionner chaque centrale tous les 12, 18 et 24 mois. Si l’on espère que les centrales nucléaires plus modernes utiliseront à meilleur escient l’uranium disponible, certains craignent que les émissions associées à l’énergie nucléaire n’augmentent proportionnellement à l’énergie requise pour extraire un minerai de qualité. « J’ai conscience qu’à l’avenir l’empreinte carbone de l’énergie nucléaire augmentera à cause du minerai d’uranium, de la vétusté des centrales – dont la moyenne d’âge est déjà de 25 ans – et des besoins en énergie pour la gestion et le stockage des déchets », commente Sovacool. Une autre étude encore plus récente, menée par des chercheurs belges et publiée dans la revue « Energy Policy » en 2009, compare trois travaux portant sur les émissions de CO2 des centrales nucléaires : une étude belge menée entre 1998 et 2000, qui chiffre les émissions à 7,72 g de CO2/kWh ; une autre émanant du gouvernement australien et datant de 2006, qui obtient 57,69 grammes ; une troisième enfin commandé par le Groupe Vert du Parlement européen en 2005, dont les calculs dépassent les 117 grammes. Ces travaux ont été choisis car ils sont représentatifs de ce que l’on peut trouver dans la littérature scientifique. Et de nouveau, ils donnent une valeur moyenne similaire à celle estimée par Sovacool. Après les avoir tous passés en revue, le chercheur belge Jef Beerten, de l’université de Louvin, a identifié des différences dans la méthodologie employée, les suppositions et les estimations, qui influenceraient de manière significative les résultats. Cet article a été initialement publié sur le blog EcoLab de Clemente Alvarez hébergé par le site du quotidien espagnol El País [1] Dans ces 19 études, 7 étaient internationales, deux ont été menées au Japon, deux en Australie, deux au Royaume-Uni, une aux Etats-Unis, une en Allemagne, une en Suisse, une au Canada, une en Chine et une en Egypte. Source : http://www.terra-economica.info/Oui-le-nucleaire-emet-bien-du-CO2,16535.html